Seriez-vous un slasheur ?
29 mars 2023Depuis quelques décennies, le monde du travail est sans conteste en évolution, si ce n’est en pleine révolution. Selon une étude de l’Apec publiée le 16 mars 2023, huit cadres de moins de 35 ans sur dix ont une bonne image du salariat ; une proportion assez proche de celle observée parmi leurs aînés. Parmi les avantages, ils mettent en avant le salaire régulier (60 %), les congés payés (42 %), la protection sociale (40 %) mais aussi les avantages sociaux (32 %). En revanche, ils restent plus rétifs que les salariés plus âgés à la hiérarchie, au manque de liberté ou encore au déficit de reconnaissance et au caractère routinier du salariat. 19 % pointent ainsi ces inconvénients, contre 11 % pour leurs aînés.
Aussi plus de la moitié des jeunes cadres (52 %) déclarent qu’ils pourraient renoncer au salariat sous certaines conditions, voire basculer vers le travail à leur compte (contre 44 % chez les 35-54 ans et 30 % chez les 55 ans et plus). À leurs yeux, le travail indépendant procure davantage de stimulation que le salariat et permet plus d’être autonome, de prendre des initiatives ou d’avoir la main sur son emploi du temps. Le CDI standard n’est donc plus la norme absolue, les freelances gagnent du terrain et les jeunes générations n’envisagent plus une carrière à vie dans une seule et même entreprise.
Dans ce nouvel environnement professionnel, on compte également de plus en plus de « slasheurs ». Si ce terme n’est pas connu de tous, il s’agit en fait d’une situation professionnelle dont tout le monde a déjà entendu parler, et que certains pratiquent sans même le savoir.
Définition de slasheur
Le terme de slasher, « slasheur » en français, est apparu à la fin des années 2000, sous la plume de Marci Alboher, dans un livre traitant des carrières professionnelles multiples exercées au sein d’une vie. Derrière ce mot anglo-saxon que l’on ne comprend pas forcément au premier abord, se cache cependant un concept assez simple : un slasheur, ou une slasheuse, est un individu qui exerce plusieurs métiers simultanément.
On ne parle pas ici d’une personne qui aurait décidé d’entamer une reconversion professionnelle ni de jeunes qui cumulent leur quotidien d’étudiant avec un job. On parle plutôt d’un travailleur qui peut à la fois être développeur web et écrivain, coiffeur et photographe, consultant en ressources humaines et coach sportif, etc. Certains slasheurs cumulent même plus de deux emplois, mais rarement plus de trois.
Pourquoi « slasheur » ?
Il est issu du signe slash, qui correspond à la barre oblique. Le slash est largement utilisé dans le domaine informatique, mais il peut aussi signifier « et/ou ». Sur les CV et les profils professionnels en ligne, il n’est d’ailleurs pas rare de voir les slasheurs utiliser cette barre oblique pour évoquer et séparer leurs différents métiers.
Si l’on parle aujourd’hui de slashing pour définir cette pluriactivité, il faut toutefois savoir que le cumul des emplois n’est pas nouveau. La différence tient surtout aux raisons qui poussent à exercer plusieurs métiers à la fois. Alors qu’il s’agissait auparavant d’un impératif économique pour certains, on trouve désormais des slasheurs qui décident par exemple de mener de front une carrière offrant de bons revenus avec un métier leur permettant d’exercer leur passion.
FAQ autour du slasheur
Le slashing est l’illustration d’un nouveau mode de vie, mêlant l’aspect professionnel et la vie privée, les métiers alimentaires et les métiers de passion, ainsi que des compétences spécifiques et une grande polyvalence.
Quelles sont les motivations des slasheurs ?
Les raisons qui poussent quelqu’un à devenir slasheur ou slasheuse sont très diverses. Voici quelques-unes des motivations les plus souvent rencontrées par les travailleurs cumulant plusieurs emplois :
- la nécessité économique d’exercer plusieurs jobs afin d’accroître ses revenus, surtout pour les personnes peu qualifiées et/ou travaillant à temps partiel, qui obtiennent souvent des contrats précaires ;
- la volonté d’allier plusieurs centres d’intérêt au sein de sa vie professionnelle ;
- l’envie de diversifier ses activités, de sorte à s’assurer des revenus, à faire face au risque de chômage et à éviter la routine du quotidien ;
- le désir d’entreprendre une reconversion pro, sans prendre le risque de tout quitter sur un coup de tête ;
- le souhait de diversifier ses compétences en exerçant des métiers complémentaires, par exemple dans le but de briguer un poste avec plus de responsabilités, de créer sa propre entreprise, etc.
Il n’existe donc pas un slasheur type, mais de multiples profils. Certains adoptent cette façon de travailler par obligation, tandis que d’autres le font par choix, que ce soit pour trouver un équilibre avec leur vie privée ou pour construire une solide carrière professionnelle.
Quelles sont les qualités requises ?
Si le slashing fait rêver beaucoup de monde, il n’est pas à la portée de tous ! En France, ils seraient plus de 4 millions d’actifs à avoir opté pour le cumul des emplois. Mais beaucoup se rendent vite compte que cela n’est pas fait pour eux, car certains traits de caractère et certaines compétences se révèlent indispensables pour mener de front plusieurs activités :
- la capacité à s’organiser, afin de bien séparer les différentes activités, de savoir combien de temps consacrer à chacune d’entre elles, de pouvoir allier vie professionnelle et vie de famille ;
- l’adaptabilité, car le slasheur peut faire face à des situations et des individus très différents au cours d’une même journée ;
- la curiosité et l’envie d’apprendre constamment, loin de toute monotonie ;
- la gestion du stress, car face à une importante charge de travail, il faut savoir prioriser et ne pas laisser transparaître les problématiques d’une activité dans son autre emploi ;
- l’énergie et de réelles motivations, de sorte à pouvoir encaisser sans problème une journée de rédaction web suivie d’une soirée en tant que serveur dans un bar par exemple.
Les slasheurs sont donc généralement curieux, motivés, organisés et agiles. En revanche, les personnes qui ont tendance à procrastiner, qui sont d’une nature anxieuse ou qui ont besoin de scinder clairement vie privée et vie professionnelle auront plus de mal à tenir la distance en cumulant plusieurs jobs.
Quels sont les risques à exercer plusieurs activités en parallèle ?
En France, face aux recruteurs, les slasheurs sont parfois perçus comme des travailleurs qui n’ont pas encore su trouver leur voie, ou qui manquent de spécialisation dans les différents domaines dans lesquels ils exercent. Même si un slasheur dispose sans aucun doute de compétences utiles pour les entreprises, il s’agit aussi de profils qui font peur. Cependant, les nouvelles générations assument sans complexe cette pluriactivité et souhaitent en faire atout. Les entreprises n’ont alors d’autre choix que de s’adapter et de voir le potentiel de ses travailleurs hors du commun.
Faire le choix de cumuler des activités, c’est également le risque de s’exposer au burn-out, face à une charge de travail trop importante. C’est pourquoi la gestion du stress et la capacité d’organisation, évoquées plus haut, sont des critères essentiels pour être pluriactif.
De plus, lorsque l’on est slasheur à des postes salariés, il peut devenir difficile de prendre du temps pour soi. Il faut en effet réussir à prendre des congés simultanés dans les différentes entreprises pour avoir de véritables vacances. Autre problématique : les heures supplémentaires requises dans un emploi peuvent venir interférer avec les horaires de travail de l’autre emploi, rendant parfois difficile la conciliation des deux jobs.
Peut-on slasher dans tous les secteurs d’activité ?
Certains métiers sont sans aucun doute plus adaptés au slashing que d’autres. Des métiers très prenants et très spécialisés sont difficilement compatibles avec d’autres activités.
Dans d’autres cas, ce sont la déontologie et les clauses de non-concurrence qui peuvent empêcher le cumul de plusieurs emplois. Par exemple, un médecin n’a pas le droit d’exercer un autre emploi si cela va à l’encontre de son indépendance et de sa dignité professionnelle. Dans le même ordre d’idée, un avocat ne peut pas devenir gérant d’une société, mais il peut par exemple exercer en tant que professeur ou agent sportif.
Cependant, il faut reconnaître qu’un très large panel de professions peuvent être exercées en simultané : vendeur, consultant en management, musicien, agent d’entretien, serveur, libraire, responsable formation, coach personnel, décorateur d’intérieur, conducteur de machines agricoles, etc. Dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, il existe donc une multitude d’opportunités pour slasher.
Peut-on cumuler plusieurs statuts en tant que slasheur ?
Bien souvent, les slasheurs cumulent un emploi salarié avec une activité entrepreneuriale. Cela permet d’avoir d’un côté des revenus assurés et une bonne protection sociale, et de l’autre un métier que l’on exerce par passion, par goût du défi ou par volonté d’indépendance. Néanmoins, dans certains cas, cela n’est possible qu’avec l’accord de l’employeur et dans le respect des clauses du contrat de travail (CDI, CDD ou contrat d’intérim).
C’est pourquoi beaucoup de slasheurs font aussi le choix de créer plusieurs entreprises, dans lesquelles ils travaillent de façon totalement indépendante, sans avoir à rendre de compte à des supérieurs. Mais là encore, quelques règles doivent être respectées. Il faut notamment retenir qu’il n’est pas possible d’être à la fois auto-entrepreneur et gérant majoritaire ou unique d’une SARL ou d’une EURL. Avec la SAS ou la SA, pas de restrictions en revanche.
Quant aux agents du service public, les conditions sont un peu plus drastiques. La règle générale est qu’un fonctionnaire n’est pas censé exercer une tout autre activité lucrative, que ce soit en tant que salarié dans le privé, salarié porté, auto-entrepreneur, associé d’une SARL, etc. Néanmoins, en fonction du temps de travail effectué dans le cadre de son emploi public (temps plein, partiel ou incomplet) et de l’activité qu’il souhaite cumuler avec son poste, un agent public peut envisager de devenir slasheur. Il faudra alors qu’il fournisse une déclaration ou qu’il demande une autorisation pour avoir le droit au cumul des professions.