Ce qu’il faut savoir sur
le travail en Open Space
8 avril 2019
Quand l’Open Space nous enferme…
Fluidifier la collaboration en entreprise, favoriser le travail collaboratif : c’est ainsi que les mérites de l’Open Space ont souvent été vantés.
Si l’objectif initial de ces aménagements est de favoriser le contact, l’échange entre les collaborateurs et l’entraide, il semble néanmoins que les effets obtenus ne soient pas forcément ceux attendus.
En effet, une étude de deux chercheurs d’Harvard, Ethan Bernstein et Stephen Turban, a observé les comportements d’une cinquantaine de salariés au sein du siège d’une multinationale pendant 6 semaines : avant et après le réaménagement de leurs bureaux individuels en open space.
L’expérience s’est déroulée de la manière suivante :
- 3 semaines avant l’emménagement, les employés ont porté un badge sociométrique et un microphone, destinés à mesurer la fréquence de leurs interactions en face à face.
- 3 semaines après l’emménagement en open space, le même dispositif a été reproduit.
Après l’arrivée en Open Space, les résultats obtenus montrent que le nouvel aménagement aurait un effet contre-productif en matière de communication :
- le temps passé par les salariés en face à face chute de 72%,
- les échanges de mails augmentent de 67%,
- les échanges de web messagerie augmentent de 75%.
Cette expérience, répliquée dans une autre entreprise et sur 100 salariés montre des résultats similaires. Des études empiriques avaient déjà souligné un reflux de la communication par des comportements d’isolement volontaire.
Moins de collaboration directe et plus de stress
« Alors que l’Open Space a été à l’origine conçu par une équipe de Hambourg dans les années 90 pour faciliter la communication et la circulation d’idées, un nombre croissant de preuves suggère qu’il sape ce qu’il était précisément censé améliorer », écrit Maria Konnikova dans le New Yorker.
Les employés valorisent leur intimité et trouvent de nouveaux moyens de la préserver même dans les espaces ouverts. Par exemple, certains portent des casques ou des écouteurs, afin de s’isoler des distractions causées par leurs collègues. L’objectif premier d’ouverture est donc remis en cause.
En comparaison avec les autres salariés, ceux qui évoluent en Open Space ont un niveau de stress plus élevé, et de moindres niveaux de concentration et de motivation.
C’est tout simplement le bruit, qui serait la cause principale de ces problèmes. Une étude de l’université de Cornell datant de 2000 montrait déjà que les salariés soumis à des perturbations sonores étaient plus stressés, moins motivés et moins créatifs.
La génération Y n’est pas épargnée
Les salariés plus jeunes, généralement qualifiés de « génération Y », semblent pourtant apprécier ce mode d’organisation. Ce qui est important pour eux c’est un espace de travail ouvert, flexible, qui encourage le travail d’équipe. A vrai dire, beaucoup d’entre eux ne veulent même pas de bureau assigné.
Mais ils souffrent eux aussi des effets négatifs de cette organisation et ne sont pas à l’abri de la baisse de la performance causée par la surcharge d’informations qui caractérise un environnement ouvert. Cet effet est accentué par le fait qu’ils effectuent pour la plupart d’entre eux du « multitasking », une manière de travailler qui est plus sensible aux effets de la déconcentration.
Sources :
• Article écrit par Justine CANONNE dans « Le cercle psy » (décembre 2018-Janvier et février 2019).
• Berstein, E. & Turban, S. (2018). The impact of the open workspace on human collaboration. Philosophical Transactions of the Royal Society, B,373(1753).
• Slate.fr